La figure de style

Je m’appuie sur votre amour du Vrai et du Beau pour affirmer qu’il est peu délicat d'annoncer avec emphase une épanadiplose narrative au début d'une strophe, court-circuitant ainsi le plaisir de la découverte finale de cette figure de style. J'ai bien conscience d'avoir commis ce crime. Mea culpa. Passons. Le motif initial de cette épanadiplose consiste en… Non, lecteur avide, pardonne-moi, il est encore trop tôt pour dévoiler avec emphase mon jeu d’écriture. Il me paraît important de s’arrêter avec élégance, telles les chèvres qui s’évanouissent pour imiter la mort et tromper leurs prédateurs, pour méditer sur le temps. Voilà, c’est fait. Le motif initial de cette épanadiplose consiste en… Je voudrais, lecteur passif, que tu participes un peu à mes efforts et choisisses ce motif. Attention, je tiens à l’impeccabilité de ton style. Tu dois écrire avec ton sang (ceci est à prendre métaphoriquement bien sûr, ma couleur préférée quand je lis, si tu veux me faire plaisir, est le bleu et non le rouge). Attendez, ô lecteurs, pas tous à la fois. Votre éruption d’imagination est un plaisir indicible, votre diligence à répondre à mon invitation littéraire me transporte dans d’autres sphères de compréhension. Je ne sais comment choisir. D’ailleurs, je rends le pouvoir aux lecteurs et abats la tyrannie de l’auteur : vous allez vous-mêmes élire le plus beau motif qui s’insérera dans mon texte. Je propose un suffrage universel direct à trois tours. Attendez ! Attendez ! Attendez ! Mon éditeur, en plein désaccord avec cette élan démocratique, organise une contre-révolution et me rappelle un principe fondamental : je ne prendrais pas comme prête-plumes mes propres lecteurs ! Je me vois donc dans l’obligation de bâcler mon épanadiplose et de vous ramener à l’amour du Vrai et du Beau.